• Je ne vous propose pas ici de cours ni des "tuyaux" pour les devoirs, simplement des liens, des images, des textes, des vidéos, qui permettent d'élargir, de manière absolument informelle, ce que nous abordons en classe . En somme, uniquement ce que je pourrais noter en marge d'un cours, en me disant "si seulement j'avais le temps de leur parler de cela..."

    Je ne vous garantis pas de nourrir ce blog tous les jours, ni toutes les semaines, mais de nouveaux articles seront publiés régulièrement, de manière à suivre le fil conducteur de nos activités en classe.

    Vos remarques, si elles s'avèrent constructives, sont bien entendu les bienvenues.

    Bonne promenade dans les marges du programme!

    S. Lemerle


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  • Voici deux liens vers des expositions virtuelles de la BNF (Bibliothèque Nationale de France) qui peuvent vous permettre d'approfondir l'étude de l'Humanisme et de la Renaissance :

    http://expositions.bnf.fr/utopie/index.htm

    http://expositions.bnf.fr/renais/expo/salle1/index.htm

     

     

     

     


  • "Le moustique" est un poème attribué à Virgile, et rangé dans l' Appendix Vergiliana, recueil sans doute constitué tradivement. Cette pièce de jeunesse de 414 hexamètres a pour sujet la mort d'un moustique écrasé par un berger au moment où il le réveille pour le sauver d'un serpent. Mort, le moustique apparaît en songe à son meurtrier et lui demande une sépulture qu'il obtient. Voici un extrait qui se situe dans la première partie du texte: le poète présente la vie des bienheureux bergers:

    O bonheur du berger  (si le vain savoir de nos esprits prévenus ne dédaigne pas les jouissances du pauvre et ne se laisse pas prendre, pour mépriser la pauvreté, aux trompeuses vanités du luxe) - bonheur ignorant des soucis, qui déchirent dans un coeur haineux nos avides pensées ! Si jamais pour lui des toisons, payées par les trésors d'un Attale  n'ont été deux fois trempées dans la teinture assyrienne ; si l'éclat de l'or rayonnant aux lambris de sa demeure  n'étreint pas son coeur avide ; s'il n'est pas destiné à posséder de magnifiques peintures ni des mosaïques resplendissantes, dont l'inutilité lui est connue ; si ses coupes n'étalent pas les agréables ciselures d'Alcon  et de Boèce  ; si la perle des coquilles de la mer Indienne  n'a point de prix à ses yeux ; du moins son coeur est pur : souvent il étend ses membres sur un tendre gazon, alors que la terre peinte de fleurs, parmi les herbes gemmées, parsème au doux printemps les champs rehaussés de mille couleurs ; alors, joyeux des chants qu'il tire d'un chalumeau palustre, coulant des loisirs exempts d'envie et de mensonge, il s'épanouit pour lui : l'arbuste du Tmolus , jouant de ses verts sarments, le voile de sa chevelure et le recouvre d'un manteau de pampre . Il aime les chèvres ruisselantes de lait; il aime les bocages, et la féconde Palès , et, au fond des vallées, les antres sombres où coulent des eaux toujours nouvelles.

    Qui pourrait vivre d'une vie plus heureuse et plus digne d'envie que celui dont l'âme pure et le coeur sans reproche ne connaît pas, à l'écart du monde, l'avide amour des richesses, et ne craint ni les tristes guerres ni les funestes combats d'une flotte puissante. Il ne va pas, pour orner de brillantes dépouilles les saints temples des dieux, ou pour dépasser en s'élevant les bornes de la puissance, se jeter, la tête baissée, au-devant de cruels ennemis. Ce n'est pas l'art, c'est la faux qui a poli l'image du dieu qu'il adore  ; ses palais, ce sont les bois; ses encens de Panchaïe , ce sont les herbes des champs, émaillées de fleurs. Un doux repos, une volupté pure, et libre, les soins d'une âme simple, voilà sa vie : ce à quoi tendent ses désirs, ce vers quoi il dirige toutes ses pensées, le souci qu'il a au fond du coeur, c'est, content de toute nourriture, d'avoir du repos en abondance, et d'abandonner aux liens d'un doux sommeil ses membres alanguis. O brebis ! ô dieux Pans  ! ô délicieuse Tempé  aux frondaisons peuplées d'Hamadryades  ! dans le culte sans faste qu'il leur voue, chaque berger, émule du poète d'Ascra , passe comme lui, d'un coeur tranquille, une vie sans orage[...]


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  • Le texte qui suit est le début de L' Hymne de l'Automne (1555). A travers ces alexandrins, Ronsard construit la figure d'un poète-prophète qui connait les arcanes de la nature et est guidé par Apollon (dieu qui protège les arts). On peut être sensible ici au lexique qui énonce l'idée que la poésie est un don, un souffle sacré, en somme une "fureur d'esprit". Il faut lire ce texte en le comparant avec le sonnet de Du Bellay que vous trouverez sur le site. Comme il est indiqué dans la synthèse sur La Pléiade de votre manuel, on voit émerger au 16ème une nouvelle image du poète.

    Le jour que je fu né, Apollon qui preside
    Aux Muses, me servit en ce monde de guide,
    M'anima d'un esprit subtil et vigoureux,
    Et me fit de science et d'honneur amoureux.
    En lieu des grands tresors et des richesses vaines,
    Qui aveuglent les yeux des personnes humaines,
    Me donna pour partage une fureur d'esprit,
    Et l'art de bien coucher ma verve par escrit.
    Il me haussa le cœur, haussa la fantasie,
    M'inspirant dedans l'âme un don de poësie,
    Que Dieu n'a concedé qu'à l'esprit agité
    Des poignans aiguillons de sa Divinité.
    Quand l'homme en est touché, il devient un prophete,
    Il predit toute chose avant qu'elle soit faite,
    Il cognoist la nature et les secrets des cieux,
    Et d'un esprit bouillant s'eleve entre les Dieux.

    (orthographe non modernisée)


  • Dans l'extrait qui suit, Du Bellay exprime le souhait suivant: posséder la harpe d'Orphée, ou, à défaut, devenir un nouveau Virgile, pour ressusciter par la plume les "palais" de Rome, en surpassant son modèle. Texte qui éclaire l'intention de Du Bellay: imiter, et peut-être dépasser le modèle antique.

    Mais en allant plus loin, il s'agit aussi d'une réflexion sur les pouvoirs de la parole poétique: le jeu des allusions mythologiques est ici éclairant. D'après les mythes, Orphée passait pour capable d'entraîner les animaux par son chant. Il a même pu ensorceler le terrible chien Cerbère qui garde l'entrée des Enfers, en allant y chercher son épouse Eurydice. Quant à Amphion, on lui prêtait les mêmes pouvoirs qu'au précédent. Les légendes racontent qu'il a pu, grâce à son chant, déplacer les pierres et ainsi bâtir les remparts de la ville de Thèbes. L'allusion à Amphion ici est pleinement signifiante: et si Du Bellay, à son tour, pouvait relever les murs de l'antique Rome? Quant à la comparaison à Orphée, peut-être s'explique-t-elle par le fait que les chants de celui-ci lui ont permis de braver le dieu des morts... La parole poétique serait ainsi un rempart (sans jeu de mot!) contre le néant et l'oubli...

    Que n'ai-je encor la harpe thracienne(*),

    Pour réveiller de l'enfer paresseux

    Ces vieux Césars, et les ombres de ceux
    Qui ont bâti cette ville ancienne ?

    Ou que je n'ai celle amphionienne,
    Pour animer d'un accord plus heureux
    De ces vieux murs les ossements pierreux,
    Et restaurer la gloire ausonienne ?

    Pussé-je au moins d'un pinceau plus agile
    Sur le patron de quelque grand Virgile
    De ces palais les portraits façonner :

    J'entreprendrais, vu l'ardeur qui m'allume,
    De rebâtir au compas de la plume
    Ce que les mains ne peuvent maçonner.

    (*) Orphée était originaire de la région de Thrace, contrée au nord de la Grèce.