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En Français, tout finit par des chansons (2)
Barbara, "Drouot" (Album L'Aigle Noir, 1970)
Dans les paniers d'osier de la salle des ventes
Une gloire déchue des folles années trente
Avait mis aux enchères, parmi quelques brocantes
Un vieux bijou donné par quel amour d'antan
Elle était là, figée, superbe et déchirante
Ses mains qui se nouaient, se dénouaient tremblantes
Des mains belles encore, déformées, les doigts nus
Comme sont nus, parfois, les arbres en Novembre
Comme chaque matin dans la salle des ventes
Bourdonnait une foule, fiévreuse et impatiente
Ceux qui, pour quelques sous, rachètent pour les vendre
Les trésors fabuleux d'un passé qui n'est plus
Dans ce vieux lit cassé, en bois de palissandre
Que d'ombres enlacées, ont rêvé à s'attendre
Les choses ont leurs secrets, les choses ont leurs légendes
Mais les choses murmurent si nous savons entendre
Le marteau se leva, dans la salle des ventes
Une fois, puis deux fois, alors, dans le silence
Elle cria: "Je prends, je rachète tout ça
Ce que vous vendez là, c'est mon passé à moi"
C'était trop tard, déjà, dans la salle des ventes
Le marteau retomba sur sa voix suppliante
Tout se passa si vite à la salle des ventes
Tout se passa si vite qu'on ne l'entendit pas
Près des paniers d'osier, dans la salle des ventes
Une femme pleurait ses folles années trente
Et revoyait soudain défiler son passé
Défiler son passé, défiler son passé
Car venait de surgir, du fond de sa mémoire
Du fond de sa mémoire, un visage oublié
Une image chérie, du fond de sa mémoire
Son seul amour de femme, son seul amour de femme
Hagarde, elle sortit de la salle des ventes
Froissant quelques billets, dedans ses mains tremblantes
Froissant quelques billets, du bout de ses doigts nus
Quelques billets froissés, pour un passé perdu
Hagarde, elle sortit de la salle des ventes
Je la vis s'éloigner, courbée et déchirante
De ses amours d'antan, rien ne lui restait plus
Pas même ce souvenir, aujourd'hui disparu...
Benabar, "Sac à main" (album Les risques du métier, 2003)
J'le tiens, j'ai réussi, je procède à l'autopsie
De cet animal fidèle qui la suit comme un petit chien
Coffre-fort, confident, partial et unique témoin
Qu'elle loge au creux de ses reins
Mais qu'elle appelle, comme si de rien, son "sac à main"
Poudrier des Puces dans un étui de velours noir
Dont les grains de poudre blanche patinent le miroir
Livre de poche, pastilles de menthe et plan de métro
Échantillon de parfum, baume pour les lèvres, 3 ou 4 stylos
Des cigarettes oui mais elle a décidé d'arrêter
Alors demi-paquets de dix, qu'elle achète deux par deux
La sonnerie étouffée, téléphone qu'elle tarde à trouver
Un appel manqué, ça l'énerve, encore raté
Bien sûr, le portefeuille, enfoui comme un magot de pirate
Lourd comme un parpaing, il contient les photos
Ses parents, pattes d'éléphant. Un noël avec une cousine
Au fond, la table en Formica, celle qu'est maintenant dans notre cuisine
A la place de choix, où je souris bêtement
Comme "l'équipier du mois". Oui, mais pour combien de temps ?
J'ai gagné le droit d'être montré aux copines
Comme ceux qui, avant moi, étaient dans la vitrine
L'agenda coupable devient machine à remonter le temps
Notre premier rendez-vous, vendredi 2 Juin à 20h00
Mon nom de plus en plus présent, jusqu'au jour de l'emménagement
Et soulignée en rouge, la date de mon anniversaire
Je passe dans le futur, je descends mercredi prochain
T'as rendez-vous à midi, avec un certain Sébastien
Boulevard de "c'est fini", au Bistrot des Amants
Le portrait dans le porte-monnaie bientôt ne sera plus le mien.
Tags : bts, chanson, objet
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