• Dans Richard Wagner et Tannhaüser à Paris, paru en 1861, Baudelaire, qui vient de publier la deuxième édition des Fleurs du Mal, fait état de son admiration pour le compositeur. Voici l'ouverture de Tannhaüser (interprétation de la Philharmonie de Munich, dirigée par Christian Thielemann).

     


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  • Guillaume Apollinaire (1880-1918), s'engage en novembre 1914 (il est d'origine polonaise). Il est blessé en 1916 sur le Chemin des Dames. Le poème qui suit fut écrit en 1915 et est extrait du recueil Poèmes à Lou, qui ne fut publié qu'en 1947. 

     

    Si je mourais là-bas...

    Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
    Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
    Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
    Un obus éclatant sur le front de l'armée
    Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

    Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
    Couvrirait de mon sang le monde tout entier
    La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
    Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
    Comme font les fruits d'or autour de Baratier

    Souvenir oublié vivant dans toutes choses
    Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
    Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
    Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
    Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

    Le fatal giclement de mon sang sur le monde
    Donnerait au soleil plus de vive clarté
    Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
    Un amour inouï descendrait sur le monde
    L'amant serait plus fort dans ton corps écarté

    Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
    - Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
    De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
    Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
    Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

    Ô mon unique amour et ma grande folie

     

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  • Wilfried Sasson (1886-1967) s'engage dès le début de la guerre. Il perd son frère  à Gallipoli (Gelibolu, sur le détroit des Dardanelles). Sur le front de la Somme, il rencontre Wilfred Owen, dont il publie l'oeuvre après la guerre. 

    Le Général

    "Bonjour, bonjour!" a fait le Général, 

    Croisé la semaine dernière alors que nous montions en ligne.

    Aujourd'hui, la plupart sont morts de ceux qui l'ont vu sourire

    Et nous traitons de porcs les ganaches de son état-major. 

    "Ça marche pour ce vieux rigolo" a grogné Pierre à Paul, 

    Fantassins en route pour Arras avec fusil et barda.

     

    Son plan d'attaque a bien marché pour eux deux. 

     


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  • Wilfred Owen (1893-1918) était sous-lieutenant. Longtemps mobilisé sur la Somme, il fut fauché à la tête de sa section à Ors (Nord) le 4 novembre 1918. Sa mort fut annoncée à ses parents alors que l'on carillonnait l'Armistice. 

    1914

    La guerre est déclarée: l'hiver du monde resserre, 

    Noire et terrible, sa glaciation. L'abominable tourmente

    Ancrée à Berlin fouaille l'Europe dans sa grande largeur, 

    Déchire les voiles du progrès. En lambeaux

    Ou en berne, tous les pavillons de l'art.

    En pleurs la poésie. C'est la disette du cœur

    Et de la pensée. L'amour a goût de piquette. 

    Versées, les moissons de l'homme pourrissent sur pied.

     

    Après un printemps éclos sur la Grèce précoce, 

    Un été glorieux qui a incendié Rome, 

    Un doux automne, récoltes rentrées, a laissé

    Venir un grand âge, riche de tous ces apports.

    Mais voici que l'hiver s'acharne et nous impose, 

    Pour un nouveau printemps, des semailles de sang. 

     


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  • Ivor Gurney est un poète et compositeur prolifique. Simple soldat, il sert d'abord en Belgique. Blessé à Bihécourt, près de Vermand, dans l'Aisne, il a finit sa vie en mauvais état de santé mentale. Le poème qui suit évoque la vie dans les tranchées, près de Vermand. 

    A plat ventre à frissonner dans un froid de canard

    On a le temps de regarder les étoiles. Enterrés,

    On scrute l'est, par dessus le pli. Mars nous harcèle les sens

    De ses rafales; mourir ou lutter ne sert plus à rien. 

    Sur la gauche, des arbres courtauds (on jurerait les bois des Cotswolds)

    Se montrent entre les bourrasques de neige sous le ciel clair et ses étoiles.

    On a l'esprit accaparé par le froid et l'émerveillement.

    Tout est abomination

    Et beauté raffinée, vêtements trempés et abominables.

    On a ça dans la tête. On crève de froid, d'envie de feu.

    Et demain, du pareil au même: la pioche ou bien les barbelés.

     

    Harcelée par les bourrasques de neige, à plat ventre, la chair abomine la terre.

    Sentinelle aux avant-postes, ma relève est prévue dans environ

    Un quart d'heure. Rien de plus à faire que de se faire tout petit

    Dans les trous difficilement creusés, vautrés dans la caillasse gelée, 

    En proie au mal du pays à en crever, le coeur navré.

    Y ai-je jamais été, au chaud et sous la lampe, avec Bach, à la recherche

    Du sacré? Alors que la chance est perdue, l'amour à croire sur parole. 

     


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